EDITORIAL
Hervé Gisie
Le précédent numéro s’était ouvert avec Daniel Lemler sur la question de la transmission et le
passage de relais d’une génération à une autre et sur le souhait de sortir de la politique d’« après moi le déluge » en nous proposant de faire acte de transmission, sans toutefois ignorer que ce qui se transmettra nous aura échappé.
Aujourd’hui, l’actualité tous azimuts nous donne l’occasion de proposer ces deux questions en guise de préambule : les enfants sont-ils des victimes expiatoires des crimes, de l’amour propre, de la cupidité ou du délire de leurs pères ou de leurs mères ? Faut-il le sacrifice de l’enfant pour un monde meilleur ? Quoiqu’il en soit, le printemps arabe est parti du fond de la Tunisie, sous l’impulsion de la jeunesse, initié par le sacrifice d’un fils du peuple – jeune chômeur diplômé – livré aux flammes. Les révoltes populaires qui viennent de se dérouler au Maghreb et qui se poursuivent au Proche-Orient inaugurent-elles une « métamorphose de l’Histoire », une sortie
de la servitude volontaire ?
La première leçon qui peut en être tirée, ou du moins se rappeler à nous, c’est qu’un pouvoir fort ou une dictature, qui la veille encore semblait inébranlable, n’est pas à l’abri de contestations et de revendications sociales, y compris, dans un second temps, provenant des classes moyennes déjà bénéficiaires de l’ouverture économique. La demande de liberté d’expression, du droit de choisir ses dirigeants, de révulsion face à la corruption et aux inégalités sociales, sont de puissants moteurs, quelles que soient les latitudes. Le billet de Jalil Bennani nous en donne un écho du Maroc.
Fait nouveau, les foules levées grâce à Internet n’étaient pas constituées par un prolétariat mais
bien de jeunes, chômeurs et désœuvrés, à l’avenir bouché, avides d’entrer dans le monde du salariat et de la consommation et marqués par l’aspiration à participer pleinement aux échanges et à toutes les jouissances de la globalisation.

Analuein n° 16 – Juin 2011