Le jour d’après-
J’en ai mis du temps à me rendre compte que nous avions effectivement changé d’époque. C’en est fini de la dé-subjectivation, de la sempiternelle adaptation nécessaire au monde actuel qui n’en finirait pas de bouger, de la prise de possession de la machine sur l’humain. Nous sommes aujourd’hui le jour d’après.  Hier, (1984), c’était Orwell avec une description prémonitoire du monde totalitaire et de sa police des mots. Rien n’était plus horrible que la richesse de la langue. La forclusion radicale du malaise dans notre civilisation dépasse en ce moment la fiction
entrevue par G. Orwell.
Je soutiens, qu’aujourd’hui, nous ne sommes plus dans un processus d’aliénation de la subjectivité. La machine, somme toute, n’était faite que de mots, au sens où Jacques Lacan disait, le 8 décembre 1954 : « Le monde symbolique, c’est le monde de la machine. »
La donne marchande est aujourd’hui l’indépassable réalité de notre époque. Pas en dernière analyse, mais immédiatement, d’une façon que je qualifierais d’obscène.

Pour ma part, deux indices, issus de la pratique, ont corroboré ce terrible constat :
– L’un, anecdotique : une déléguée de l’Aide Sociale à l’Enfance me demande récemment un devis pour « réparer » un enfant ! Quoi de plus normal ? Elle obéit en cela à l’exigence comptable du Conseil Général et des Juges (il faut se reconstruire). Après tout, n’avons-nous pas, nous les psy, les outils de la clinique ? Ne serions-nous pas bien outillés ? En combien de séances pourrions-nous réparer l’irréparable de la maltraitance ? Pour quel prévisionnel ? Combien pèse le « bien » de l’enfant ? Le jargon « psy » est passé depuis longtemps dans lalangue. Mais aujourd’hui, l’enfant est devenu une charge, pris dans un schéma, une donnée comptable pour laquelle tout compte, c’est-à-dire, rien…

Analuein numéro spécial – novembre 2008l