Lettre de la Société Psychanalytique en Israël – octobre 2023

« On a été tétanisé par l’idée qu’on pouvait être intolérant et du coup nous avons toléré l’intolérable » Elisabeth Badinter

Le texte, ci-dessous, qui nous est parvenu de nos collègues israéliens, témoigne de l’horreur perpétré par le hamas. Le refus de nommer les auteurs de ces actes déshumanisés : terroristes, est un déni de la réalité qui tente de minimiser, voire d’excuser la barbarie et indirectement participa à la déshumanisation.

La Fedepsy en diffusant la lettre de nos collègues, vise, comme toujours, à nous interroger, nous psychanalystes, comment combattre la déshumanisation qui prend de l’ampleur dans nos sociétés.

Cette interrogation est à faire dans tous les domaines : historiques, sociétaux, sociaux, politiques, techniques, biologiques et dans l’organisation du travail.

La lutte contre la déshumanisation est un gain sur les destins pulsionnels autre que la haine, la violence, et la désobjectalisation.

Jean-Richard Freymann et Liliane Goldsztaub

22 octobre 2023

Lettre de la Société Psychanalytique en Israël

 

Parution août 2023- Dominique BOUKHABZA

Dominique BOUKHABZA, A Jungian Understanding of Symbolic Function and Forms, Routledge, août 2023

Synopsis en français :

Synopsis

Notre propos est de clarifier la fonction du symbole et sa place à l’articulation de la psychanalyse et des autres sciences de l’homme, particulièrement l’anthropologie. Le symbole est au cœur de leurs liens ; il se situe à leur croisement comme intersection du singulier et du collectif et sa formation est régie par des lois identiques.

Il va s’agir du symbole tel qu’il apparait dans le rêve, le mythe, le symptôme, le délire. Notre conception du rêve, qui s’appuie sur notre pratique clinique, inclut mais élargit la conception freudienne. Le rêve, actionné par le transfert, se développe en séries. Chaque rêve constitue le maillon d’une ou plusieurs chaînes engendrant un réseau. Le travail du rêve, ou travail de la lettre, est un travail de symbolisation qui se trouve requis à partir des points où, pour le sujet, le symbole fait justement défaut.

Le développement sériel du rêve a orienté notre intérêt sur la trajectoire personnelle de C.G. Jung et sa pensée. En effet, Jung privilégie cet aspect dans sa méthode d’interprétation. Son apport sur le rêve, le symbole et ce qu’il nomme processus d’individuation, à rapprocher de l’enchaînement des rêves, permet d’éclairer les processus de symbolisation. Nous voulons mettre en tension plutôt qu’en opposition les éléments du débat Freud-Jung sur le symbole en évitant la polémique au profit d’un déploiement suffisant des points de contradiction. Freud et Jung ont des points de départ différents. La pensée jungienne s’origine des questions de la psychose. Son approche du symbole est fondamentalement collective, à travers la théorie des archétypes, à entendre, nous le verrons, comme traces “collectives” de la fonction symbolique, et la place particulière qu’y tient la notion de Dieu. Le symbole de Freud, celui du rêve comme celui du symptôme, privilégie le lien au refoulement. Freud pense à partir de l’individu et de la névrose.

L’hyper symbolisme de la schizophrénie démontre la fonction du symbole dans son cas : une fonction palliative du défaut de l’identification primordiale. Le délire réalise un court-circuit de la trace au symbole qui va forclore le trait, marque du sujet et support de l’identification. Le symbole fournit un appui dans le collectif, faute d’un repérage de l’histoire du sujet et de l’inscription de sa trace. Dans la cure analytique, quand elle a lieu, les séquences de rêves vont réaliser l’écriture des traces d’une histoire individuelle, à partir de l’exercice de la fonction symbolique, collective ; à partir du symbolisme collectif, un trait, une qualité, peut alors être reconnu par le sujet comme appartenant à l’Autre, qui, entamé, décomplété, perd sa toute-puissance.

Dans la névrose, le symbole a une autre place. Sous l’action de la censure, le symbole est devenu symptôme, symbole du trauma mais privé de son efficacité symbolique, celle de s’associer à d’autres symboles. Il emprunte la mise en forme de la pensée primitive: animal-totem de la phobie, tabou de la névrose obsessionnelle, figuration du corps dans l’hystérie.

Mais le symbole se trouve aussi être l’opérateur du déchiffrage du symptôme. Le symbole est l’outil de la régression comme celui de la progression, du déchiffrage comme du chiffrage. Il est une modalité primitive de représentation ou plutôt la première modalité de représentation, solidaire de l’image, qui l’apparente à une écriture pictographique ou hiéroglyphique, en attente de lecture. Des éléments cliniques seront amenés à l’appui de notre thèse.

La psychanalyse ne peut éviter de recourir aux sciences sociales pour élaborer son objet. Freud et Jung s’appuient sur l’anthropologie de leur époque, Freud avec Totem et tabou et ses réélaborations ultérieures, Psychologie collective et analyse du Moi et Le Moi et le ça, Jung avec l’indifférenciation sujet/objet et la participation mystique de Lévy-Bruhl.

Lacan se réfère à l’œuvre de Lévi-Strauss pour soutenir le primat de la fonction symbolique pour l’individu comme pour le groupe social. Individuel et collectif sont régis par les mêmes principes.

Mythe et rêve procèdent également de la vie pulsionnelle de l’homme et en élaborent les contradictions. La fonction symbolique dépasse l’opposition individuel-collectif, elle est le lieu de la confrontation des contraires, c’est elle qui noue et dénoue les oppositions. Toutes les variantes du mythe peuvent être ordonnées en une série ; elles forment un groupe de permutations opérant une médiation entre termes contradictoires. L’organisation des rêves en séries autour de certains mots ou certaines thématiques a une fonction identique. Les mouvements d’inversion ou d’opposition, typiques de la fonction symbolique se retrouvent dans le rêve isolé comme dans l’organisation des séries qu’une loi de développement ordonne, liant entre eux les termes de la série et les séries entre elles.

La distinction entre différentes formes symboliques produite par Ernst Cassirer, souligne le caractère de processus revêtu par la symbolisation dans le groupe social, processus porté par le langage et évoluant d’un seul tenant du mythe à la science, un processus parallèle à celui de l’émergence du sujet. Sa pensée présente d’ailleurs plusieurs points de convergence avec celle de Jung. Pour Cassirer, la symbolisation est un processus dynamique, à travers lequel les relations entre sujet et objet se manifestent et se modifient constamment, comme les frontières qui les séparent l’un de l’autre. La pensée mythique, analogue à la pensée inconsciente, s’avère rémanente. Le langage s’y articule constamment mais, en discriminant et ordonnant, il poursuit lui-même une autre direction qui se poursuivra en s’amplifiant dans la pensée scientifique. La séparation qui va advenir entre la fonction religieuse et son fondement mythique va permettre de saisir la place de cette fonction, qui est aussi celle de la croyance, dans la structuration psychique de l’homme. L’homme n’appréhende son action qu’à la condition de s’en éloigner et de la projeter vers l’extérieur et de cette projection nait la figure du dieu, civilisateur, première émergence mythique de la conscience culturelle qui commence à se développer. Le moi propre de l’homme ne peut se trouver que par le détour du moi divin : d’abord dieux de l’instant puis dieux spéciaux liés aux diverses activités humaines, l’apparition des dieux personnels, caractérisés des attributs de la période précédente, a pour corollaire l’avènement du nom propre : le nom du dieu perd sa connexion avec son domaine d’origine, il devient un nom propre, évoquant l’idée d’une personnalité déterminée. Un processus de nomination suit donc pas à pas cette évolution. Le monothéisme vient achever le processus dans un mouvement de réversion réalisant l’unité du concept de Dieu, devenu alors un dieu sans nom ni propriétés. Le passage du mythe au religieux est la conséquence de l’extraction progressive du sujet à partir de l’indifférenciation sujet/objet qui règne dans la pensée primitive ; il est contemporain de l’émergence de la question du sens, portée par le langage.

A l’échelle de l’individu, ces trois formes, mythe, langage et connaissance s’avèrent mises en œuvre par le rêve, lui-même forme symbolique que l’on pourrait dire de transition, produit par le transfert, lui-même processus d’humanisation. Au travers des séries de rêves, le cheminement du sujet s’avère suivre un trajet parallèle à celui du collectif : la façade du rêve se révèle mythique mais travaillée par le langage et c’est bien à ce travail du mythe par la langue que la cure analytique viendra donner une extension considérable. Mais ce n’est pas tout, c’est aussi d’une quête de connaissance que le rêve est porteur et qui se révèlera au fur et à mesure de son développement comme une véritable embryologie de la connaissance. Des symboles d’usage collectif seront marqués du sceau du sujet et viendront dénoter un réel jusque-là en souffrance. Des éléments nouveaux, jusque-là indifférenciés, seront discriminés et nommés, des propriétés identifiées et attribuées, condition sine qua non de la séparation sujet/objet. La mobilisation du sujet, mise en évidence par la sériation des rêves, constitue le marqueur de l’efficacité du traitement analytique, le plus à même peut-être de démontrer son caractère scientifique.

Author Flyer_ A Jungian Understanding of Symbolic Function and Forms

Corps

Martine Chessari Porée du Breil

avril 2022

Chers collègues et amis,

Nous nous étions réunis autour d’un projet d’écriture, grâce à l’impulsion de Francis Hofstein venu nous solliciter avec enthousiasme pour rejoindre un groupe de travail en formation. Nous avons fait corps avec ce projet qui devait mettre la psychanalyse, ses enseignements, au cœur de la création d’un certain discours, comme effet d’une parole constituante.

De balbutiements en trébuchements, d’accords en désaccords, ce projet a bel et bien pris corps. Nous avons écrit dans une certaine adresse et il nous manquait l’accueil d’un lieu de l’Autre pour donner à cette impulsion toute sa portée symbolique, lui permettre un accordage comme effet de résonance et peut-être, un prolongement. À venir.

La Fédération Européenne de Psychanalyse, FEDEPSY, a accepté de se constituer comme lieu tiers pour notre projet en constitution, c’est une portée hautement symbolique, signifiante, qui nous offre désormais un ancrage et donne à notre impulsion toute sa valeur d’acte, à nos écrits une dimension de parole déposée.

Aussi, me tenant dans cette articulation, il me revient de vous adresser quelques mots de présentation de l’institution FEDEPSY qui, sans être une information complète et formelle sur les tenants de la structure (ce qui est largement consultable sur le site internet), feront invitation à la rencontre et ouvriront peut-être sur d’autres échanges et développements.

FEDEPSY a été fondée en 2000 à Strasbourg. Elle s’inscrit dans l’héritage freudo-lacanien de la psychanalyse française, mais elle a inventé la structure qui lui est propre à partir d’une expérience transgénérationnelle strasbourgeoise appuyée d’une part, sur une première expérience institutionnelle, la Bibliothèque de Recherche Freudienne et Lacanienne, la BRFL, qui a été, dès 1985, un lieu d’écriture et de publication, mais aussi un cartel où se sont déroulés des débats relatifs au discours analytique et à son évolution ; d’autre part, sur la fédération d’un certain nombre de liens de travail constituants qui établissent, dans des relations de compagnonnages entre plus jeunes et anciens, une forme de transmission des savoirs, en regard d’une élaboration du désir de l’analyste.

Si elle a gardé comme principe fondateur l’importance de la transmission de ce que nous enseigne la psychanalyse, la FEDEPSY accorde aussi – et c’est ce qui caractérise sa singularité – une part prépondérante et stimulante au principe d’initiative, ce qui donne à chacun une possibilité de se mettre à l’épreuve de son désir, d’en dire quelque chose, comme d’en recevoir ses effets. Se voulant être un lieu d’échanges et de perlaboration, elle promeut la rencontre des discours, convoque l’éthique de la psychanalyse et suscite des effets de passe, de pertes, entre éthique et politique, entre mise en perspective théorique et créativité singulière.

Lieu d’échanges aussi avec la cité, dans une articulation laïque, vivante, avec le champ de la culture, elle est présente dans les débats au cœur des questions contemporaines, mettant en exergue les apports de la psychanalyse à l’élaboration des positionnements dans les discours ambiants. Le journal Analuein a longtemps été un organe de liaison rendant compte d’un dialogue de la psychanalyse avec les productions sociales, scientifiques, culturelles.

Publié sur papier jusqu’au numéro 25 de janvier 2016, le site internet actuel de FEDEPSY propose de retrouver quelques derniers numéros d’Analuein numérisés, qui a été remplacé dans la suite, par un bulletin de liaison numérique restituant surtout, à ce jour, quelques échos d’interventions produites dans le cadre des activités régulières.

L’écriture dans le champ analytique, destinée à l’élargissement de la culture et à l’enrichissement des subjectivités, reste une activité prisée de l’institution FEDEPSY, soucieuse des enjeux de la parole comme de la garantie de ses fonctions dans une modernité toujours plus incertaine, désarrimée et violente, un monde sphérique, replié sur lui-même et appauvri sur un plan symbolique.

Je propose de remercier Francis Hofstein de l’occasion qu’il nous a donnée de poser la question du corps, dans une perspective largement ouverte sur nos résonances propres, à l’interface entre l’intime et le public, le subjectif et le collectif.

Si l’accueil de notre publication sur le site de FEDEPSY permet en après-coup de matérialiser le lieu d’une adresse, il permet avant tout une mise en dépôt d’un objet, jusque-là remis comme lettre en souffrance, dépôt qui sera sans doute la pierre angulaire d’une nouvelle perspective de travail. Sur le fil de la lettre.

Merci à FEDEPSY d’avoir répondu présente.

 

Ouverture

Francis Hofstein

Il y a des aventures qui commencent bien, et bien qu’il s’agisse d’un projet porté par des psychanalystes, l’avenir semble serein et assuré. On s’engage donc, toujours prêt à en découdre avec la psychanalyse et ses enjeux, ça prend tournure, et puis reviennent le narcissisme et son corollaire de rivalité. Les différences se radicalisent, l’autre, le proche devient un adversaire et se rejoue cet Unheimlich qui rebat les cartes et pousse à la rupture. Celle-ci a touché tous les auteurs dont les textes devaient composer un « cahier » sur le corps, la particularité des sept ici publiés étant d’avoir été demandés par le signataire de ces lignes qui, bien qu’ayant quitté l’association, n’a, à aucun moment, songé à les abandonner à leur sort.

Heureusement disparates, ils disent des préoccupations du jour et des interrogations conceptuelles sur le corps au présent et au passé, et se répondent moins qu’ils ne s’articulent en opus incertum. Leur acceptation par la Fédération Européenne de Psychanalyse et École psychanalytique de Strasbourg n’en est que plus gratifiante.

 

Bref retour sur la question du corps par Bertrand Ogilvie

Entrelacs Corps 3 Ogilvie

 

Ce que porte le corps par Martine Chessari Porée du Breil

Entrelacs Corps 4 Chessari

 

Le corps d’Anna sur le divan de son père par Manuel Hernandez

Entrelacs Corps 5 Hernandez

 

A son corps défendant – A mon corps défendant, à corps perdu par Martine Bonamy

Entrelacs Corps 6 Bonamy

 

L’incorporé par Jérémie Salvadero

Entrelacs Corps 7 Salvadero

 

Les fins de Jacques Lacan par Francis Hofstein

Entrelacs Corps 8 Hofstein

Parole sans frontière – Exposition du 16 au 18 juin 2022

EXPOSITION 

Dans le cadre de la semaine des réfugiés, La Compagnie 12:21 collabore avec l’association Parole Sans Frontière.
A cette occasion, vous êtes cordialement invités à l’exposition “Cheminements graphiques”du 16 au 18 juin 2022 à la salle des Colonnes au 10 Rue du Hohwald
Cette exposition témoigne du travail effectué à l’atelier artistique à visée thérapeutique de l’association.

Vous trouverez ci-dessous le flyer Projet hospitalité et cheminements graphiques.

flyers Projet hospitalité Cheminements graphiques PSF