Parution août 2023- Dominique BOUKHABZA

Dominique BOUKHABZA, A Jungian Understanding of Symbolic Function and Forms, Routledge, août 2023

Synopsis en français :

Synopsis

Notre propos est de clarifier la fonction du symbole et sa place à l’articulation de la psychanalyse et des autres sciences de l’homme, particulièrement l’anthropologie. Le symbole est au cœur de leurs liens ; il se situe à leur croisement comme intersection du singulier et du collectif et sa formation est régie par des lois identiques.

Il va s’agir du symbole tel qu’il apparait dans le rêve, le mythe, le symptôme, le délire. Notre conception du rêve, qui s’appuie sur notre pratique clinique, inclut mais élargit la conception freudienne. Le rêve, actionné par le transfert, se développe en séries. Chaque rêve constitue le maillon d’une ou plusieurs chaînes engendrant un réseau. Le travail du rêve, ou travail de la lettre, est un travail de symbolisation qui se trouve requis à partir des points où, pour le sujet, le symbole fait justement défaut.

Le développement sériel du rêve a orienté notre intérêt sur la trajectoire personnelle de C.G. Jung et sa pensée. En effet, Jung privilégie cet aspect dans sa méthode d’interprétation. Son apport sur le rêve, le symbole et ce qu’il nomme processus d’individuation, à rapprocher de l’enchaînement des rêves, permet d’éclairer les processus de symbolisation. Nous voulons mettre en tension plutôt qu’en opposition les éléments du débat Freud-Jung sur le symbole en évitant la polémique au profit d’un déploiement suffisant des points de contradiction. Freud et Jung ont des points de départ différents. La pensée jungienne s’origine des questions de la psychose. Son approche du symbole est fondamentalement collective, à travers la théorie des archétypes, à entendre, nous le verrons, comme traces “collectives” de la fonction symbolique, et la place particulière qu’y tient la notion de Dieu. Le symbole de Freud, celui du rêve comme celui du symptôme, privilégie le lien au refoulement. Freud pense à partir de l’individu et de la névrose.

L’hyper symbolisme de la schizophrénie démontre la fonction du symbole dans son cas : une fonction palliative du défaut de l’identification primordiale. Le délire réalise un court-circuit de la trace au symbole qui va forclore le trait, marque du sujet et support de l’identification. Le symbole fournit un appui dans le collectif, faute d’un repérage de l’histoire du sujet et de l’inscription de sa trace. Dans la cure analytique, quand elle a lieu, les séquences de rêves vont réaliser l’écriture des traces d’une histoire individuelle, à partir de l’exercice de la fonction symbolique, collective ; à partir du symbolisme collectif, un trait, une qualité, peut alors être reconnu par le sujet comme appartenant à l’Autre, qui, entamé, décomplété, perd sa toute-puissance.

Dans la névrose, le symbole a une autre place. Sous l’action de la censure, le symbole est devenu symptôme, symbole du trauma mais privé de son efficacité symbolique, celle de s’associer à d’autres symboles. Il emprunte la mise en forme de la pensée primitive: animal-totem de la phobie, tabou de la névrose obsessionnelle, figuration du corps dans l’hystérie.

Mais le symbole se trouve aussi être l’opérateur du déchiffrage du symptôme. Le symbole est l’outil de la régression comme celui de la progression, du déchiffrage comme du chiffrage. Il est une modalité primitive de représentation ou plutôt la première modalité de représentation, solidaire de l’image, qui l’apparente à une écriture pictographique ou hiéroglyphique, en attente de lecture. Des éléments cliniques seront amenés à l’appui de notre thèse.

La psychanalyse ne peut éviter de recourir aux sciences sociales pour élaborer son objet. Freud et Jung s’appuient sur l’anthropologie de leur époque, Freud avec Totem et tabou et ses réélaborations ultérieures, Psychologie collective et analyse du Moi et Le Moi et le ça, Jung avec l’indifférenciation sujet/objet et la participation mystique de Lévy-Bruhl.

Lacan se réfère à l’œuvre de Lévi-Strauss pour soutenir le primat de la fonction symbolique pour l’individu comme pour le groupe social. Individuel et collectif sont régis par les mêmes principes.

Mythe et rêve procèdent également de la vie pulsionnelle de l’homme et en élaborent les contradictions. La fonction symbolique dépasse l’opposition individuel-collectif, elle est le lieu de la confrontation des contraires, c’est elle qui noue et dénoue les oppositions. Toutes les variantes du mythe peuvent être ordonnées en une série ; elles forment un groupe de permutations opérant une médiation entre termes contradictoires. L’organisation des rêves en séries autour de certains mots ou certaines thématiques a une fonction identique. Les mouvements d’inversion ou d’opposition, typiques de la fonction symbolique se retrouvent dans le rêve isolé comme dans l’organisation des séries qu’une loi de développement ordonne, liant entre eux les termes de la série et les séries entre elles.

La distinction entre différentes formes symboliques produite par Ernst Cassirer, souligne le caractère de processus revêtu par la symbolisation dans le groupe social, processus porté par le langage et évoluant d’un seul tenant du mythe à la science, un processus parallèle à celui de l’émergence du sujet. Sa pensée présente d’ailleurs plusieurs points de convergence avec celle de Jung. Pour Cassirer, la symbolisation est un processus dynamique, à travers lequel les relations entre sujet et objet se manifestent et se modifient constamment, comme les frontières qui les séparent l’un de l’autre. La pensée mythique, analogue à la pensée inconsciente, s’avère rémanente. Le langage s’y articule constamment mais, en discriminant et ordonnant, il poursuit lui-même une autre direction qui se poursuivra en s’amplifiant dans la pensée scientifique. La séparation qui va advenir entre la fonction religieuse et son fondement mythique va permettre de saisir la place de cette fonction, qui est aussi celle de la croyance, dans la structuration psychique de l’homme. L’homme n’appréhende son action qu’à la condition de s’en éloigner et de la projeter vers l’extérieur et de cette projection nait la figure du dieu, civilisateur, première émergence mythique de la conscience culturelle qui commence à se développer. Le moi propre de l’homme ne peut se trouver que par le détour du moi divin : d’abord dieux de l’instant puis dieux spéciaux liés aux diverses activités humaines, l’apparition des dieux personnels, caractérisés des attributs de la période précédente, a pour corollaire l’avènement du nom propre : le nom du dieu perd sa connexion avec son domaine d’origine, il devient un nom propre, évoquant l’idée d’une personnalité déterminée. Un processus de nomination suit donc pas à pas cette évolution. Le monothéisme vient achever le processus dans un mouvement de réversion réalisant l’unité du concept de Dieu, devenu alors un dieu sans nom ni propriétés. Le passage du mythe au religieux est la conséquence de l’extraction progressive du sujet à partir de l’indifférenciation sujet/objet qui règne dans la pensée primitive ; il est contemporain de l’émergence de la question du sens, portée par le langage.

A l’échelle de l’individu, ces trois formes, mythe, langage et connaissance s’avèrent mises en œuvre par le rêve, lui-même forme symbolique que l’on pourrait dire de transition, produit par le transfert, lui-même processus d’humanisation. Au travers des séries de rêves, le cheminement du sujet s’avère suivre un trajet parallèle à celui du collectif : la façade du rêve se révèle mythique mais travaillée par le langage et c’est bien à ce travail du mythe par la langue que la cure analytique viendra donner une extension considérable. Mais ce n’est pas tout, c’est aussi d’une quête de connaissance que le rêve est porteur et qui se révèlera au fur et à mesure de son développement comme une véritable embryologie de la connaissance. Des symboles d’usage collectif seront marqués du sceau du sujet et viendront dénoter un réel jusque-là en souffrance. Des éléments nouveaux, jusque-là indifférenciés, seront discriminés et nommés, des propriétés identifiées et attribuées, condition sine qua non de la séparation sujet/objet. La mobilisation du sujet, mise en évidence par la sériation des rêves, constitue le marqueur de l’efficacité du traitement analytique, le plus à même peut-être de démontrer son caractère scientifique.

Author Flyer_ A Jungian Understanding of Symbolic Function and Forms

PARUTION de “Entrez, c’est tout vert” de Michel Forné

En cette période où l’humour comme voie d’éconduction pulsionnelle a été fortement bousculé par l’épreuve du réel de la vie (mort et maladie), je vous propose la lecteur d’un petit espace décalé de “respiration psychique”. Des pages à la croisée entre Symbolique, Imaginaire et loufoque. Histoire de se souvenir que l’inconscient est bien structuré comme un langage ; qu’il est la source d’où surgit le Witz et que la question du Savoir (médical, politique, médiatique, sexuel) ne cesse de nous glisser des peaux de bananes sous les choses-sûres… nous renvoyant irrémédiablement à ce qui fait trou.

Ci-dessous le texte de la quatrième de couverture, et un lien Youtube vers une présentation
vidéo :  https://www.youtube.com/watch?v=n9iuFtHPfb8

Inspirés de l’humour de Pierre Dac, Bobby Lapointe, Pierre Desproges, Raymond Devos, Auguste Derrière et tant d’autres, les auteurs ont voulu créer un petit recueil de définitions amusantes pour prendre le temps de penser. Mais penser en décalé, tout en réfléchissant et en apprenant des choses nouvelles.

Partant d’une définition de type mots-croisés, les lecteurs sont invités à trouver le «mot-mystère», aidés (ou parfois troublés) par des indices graphiques générés par un artiste contemporain. Ces indications ont été le fruit d’un véritable travail de création dans lequel les choix chromatiques, les retouches numériques des images et les messages qui s’y véhiculent créent une émulsion originale, ludique et déstabilisante.

Dès le sous-titre, cet «Imprécis de linguisterie loup-phoque» nous transporte dans un univers inhabituel et saugrenu?: celui des sonorités qui habitent les mots eux-mêmes et auxquelles on ne prête pas suffisamment l’oreille; Mais le titre lui-même ne nous invite-t-il pas déjà à suivre cette voie sérieusement loufoque???: «Entrez, c’est tout vert». Notre audition y trébuche, tout comme notre regard quand il achoppe sur la drôle de porte aux couleurs choisies à dessein, et placée en couverture…

Apprendre, sourire, trouver ou accepter de donner sa langue au chat (comme sur l’illustration de 4eme de couverture) sera, pour les lecteurs curieux, comme autant de stimulations cérébrales tout au long des 200 mots que contient cet ouvrage.

Pour acheter ce livre : 

En librairies sur commande ou

directement sur le site de l’éditeur : https://editions-sydney-laurent.fr/livre/entrez-cest-tout-vert-imprecis-de-linguisterie-loup-phoque/

soit directement en contactant Michel Forné à Mulhouse (drfm6768@gmail.com) 0687232970

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Et pour ceux qui seraient davantage “branchés” par un essai de théorisation psychanalytique sur les racines inconscientes de la question du profit (articulations entre plus-value économique et plus-de-jouir psychique) je vous rappelle la réédition au Lys bleu de mon ouvrage paru en février 2020 et intitulé : “Les saumons ne rêvent pas de remontées mécaniques” ; quelle place pour le désir dans un monde centré sur la plus-value économique et le plus-de-jouir psychique ?”.

A la différence des animaux qui répondent à des instincts, les humains opèrent essentiellement par des mécanismes pulsionnels. Ces mécanismes sont des « pousse-à-jouir » qui visent à atteindre une satisfaction.

Et celle-ci se majore toujours inconsciemment d’une plus-value psychique. Mais cette satisfaction et cet excédent s’avèrent être des tonneaux percés, comme le décrivait déjà Marx dans son concept de plus-value économique. Tonneaux dont nos sociétés de consommation (qui sont de plus en plus des sociétés de saturation) cherchent désespérément un mythique remplissage sans pertes.

Dans cet essai, l’auteur met en avant un certain nombre d’analogies face auxquelles nous avons une tendance accrue à détourner le regard :

–    Celle entre la recherche du profit (quel qu’en soit le prix pour soi, pour autrui ou pour notre environnement) et une folle quête de pouvoir, de reconnaissance, d’amour et d ‘absolu.

–    Celle entre ce même profit et la violence haineuse qui l’alimente en sourdine.

–    Celle enfin entre ces pulsions agressives et notre condition « d’êtres parlants ».

Les pulsions, comme nous l’a enseigné le psychanalyste Jacques Lacan – à la suite de Freud – sont liées à un Autre en Demande, à qui nous pensons pouvoir (ou devoir) répondre. Cette dynamique de demande-réponse se met en place dès le plus jeune âge au travers du fantasme d’une satisfaction enfin accessible. Pourtant, là encore, ce seront la parole (dans ses signifiants) et le Réel qui viendront nous en tenir irrémédiablement à l’écart. Réalimentant ainsi, dans notre économie psychique, une boucle de fiel dans notre rapport à l’autre.

Mais alors dans ce sombre constat, n’y a-t-il rien qui fasse lueur d’espoir ou au moins qui puisse donner sens à la vie ? C’est ici que Michel Forné déploie la dimension du Désir. Celui-ci, au travers de la sublimation, de la métaphore,
de l’humour et du renoncement à la Jouissance, représente autant de voies de frayage dont on pourra se soutenir pour préserver les conditions de notre humanité.