Nous approchons de la féérie de Noël et de ses addictions multiples. De ses chants et de ses désenchantements. Nous n’aborderons pas la consommation « capitaliste », ni les cadeaux à thème et à 5 euros, pas plus que les beuveries festives. Nous aborderons l’addiction, la vraie : l’addiction familiale ! Voilà un symptôme tenace…

Addicere : être dit à… Si vous contractiez une dette au temps des Romains et que vous ne pouviez pas la payer, vous vous retrouviez désigné comme dit à votre créancier. Vous deveniez pendant un temps son esclave par contrainte de corps. On retrouve dans cette notion tous les ingrédients d’une bonne aliénation : parole contractualisant une dépendance, don du corps à l’autre, dette envers cet autre. Être dit à est proche de s’abandonner à ou s’adonner à. Dans la première formule l’Autre initie l’aliénation, dans les deux suivantes, l’individu les reprend à son compte et s’y soumet. « Ce que tu hérites de tes pères, acquiers-le » écrivait Goethe, « mais pour mieux t’en séparer » ajoutait-il !

La clinique ne parle que de cela : l’aliénation à l’Autre. La famille est grande vectrice d’Autre. Elle le transmet et l’incarne. Vous n’êtes pas pour autant sommé de croire indéfiniment à la réincarnation, pas plus qu’au père Noël. Une cure analytique vous permet de vous séparer d’une croyance. Se séparer n’est pas forcément quitter. Il s’agit plutôt d’un décollage, d’une désadhésion. La séparation permet une relation. Sans séparation, sans espace entre deux, pas d’échange. L’homme étant néotène, la dépendance à l’autre est radicale au début de la vie. La demande de l’autre, parfois ses exigences rigides, d’autres fois ses désirs, marquent l’enfant. Le sujet se dépatouillera de ces intentions de l’autre. Il s’en démarquera, tant bien que mal.

Pour qui le fais-tu ? Pour qui vis-tu ? L’aliénation à la demande de l’autre, à ses attentes, persévère souvent dans un entretien symptomatique de ses (auto) exigences empêchant l’expression désirante.

Les membres de la famille et ses représentants psychiques, même quand elle n’est plus, peuvent être désignés comme les responsables de cet enfermement. Addiction à la demande supposée de l’Autre ! C’est-à-dire « dit à », missionné pour, sacrifié. Chez Lacan, cette notion d’être « dit à » apparaît comme une clinique différentielle à la clinique psychotique, une clinique intermédiaire entre psychose et névrose. L’aliénation en est le signe majeur. Les addictions aux produits sont parfois une réponse à ces emprises. Le recours au produit, à l’objet, est une tentative de s’extraire de la dépendance… mais en la retrouvant autrement ! Chaud-froid garanti ! La pulsion de vie est rattrapée par la pulsion de mort, et en voulant vivre l’addicté se détruit.

Bref, revenons à l’addiction familiale. Le positionnement subjectif vis-à-vis de certains membres de sa famille est une forme de séparation. Si aliénation et séparation sont deux opérations inséparables, le travail progressif vers une affirmation de soi libère de l’oppression de la dépendance. Le détachement avec la demande de l’Autre – c’est-à-dire avec sa propre demande ! – laisse place à un espace de liberté. Une certaine solitude en est parfois le prix à payer. Faites votre choix, joyeux noël et allez-oui-là !