« Que diable allait-il faire dans cette galère ? »

Dans la vie de tous les jours, si l’on cherchait un qualificatif pour dénommer nos entourages… familiaux, politique, ou au travail, nous dirions des « conflits d’ambivalence », où au niveau manifeste : « Ça ne se mouille pas… » et surtout, on pourrait à la fois être pour, et être contre… est-ce possible ? Autant dans le manifeste (freudien) que dans le discours ambiant, qui pourtant se gorge de certitudes et cela avec une banalité involutive.

Par contre, au niveau d’une « latence légère », on repère un monde de « pensifs », un refus répétitif du dialogue et la fétichisation d’un jugement, où l’on aurait envie à chaque fois de s’écrier : « Pour qui – il ou elle – se prend-il pour juger ainsi les autres ? » Au passage, on attend plus du mimétisme et du juridique, que de vastes interrogations sur les « identifications ».

Alors quel est ce latent d’un inconscient public (pas collectif), celui de la paranoïa d’autopunition, ou la paranoïa de Kretschmer ?

Et l’on est bien silencieux sur la guerre à 2000 « bornes » d’ici et sur les conséquences du COVID qui ne « cessent pas de s’écrire » !

La guerre est, pour beaucoup, la destruction d’au moins une génération, une fonction de déluge qu’il ne faut pas dénier.

Nous avons beaucoup glosé sur la phrase de Freud dans la Ichspaltung – « nur der Tot ist umsonst », seule la mort est pour rien… (ou sans sens)[1]. En Occident, nous avons quitté « l’après-guerre », la croyance au devenir de l’humanité fait place à une atmosphère mélancoliforme où l’on ne sait par quels deuils il va falloir passer.

Oser aujourd’hui, ce n’est pas causer, échanger, dialoguer, réfléchir, c’est passer à l’acte, c’est la « fermer à l’autre » et surtout pas d’échanges. « Je ne crois plus en rien, mais je suis sûr, je suis certain »…

Le problème, c’est qu’après un fracas, un traumatisme, un malaise, il faut tout un temps pour se re-constituer, c’est-à-dire se constituer autrement. Le champ analytique a déjà beaucoup souffert de ces états de fait du discours ambiant, voire du discours de l’Autre, mais pas exclusivement : où sont passés le discours du Maître et le discours de l’Université ?

Bien étonnamment et paradoxalement, je pense que de nouveaux atouts surgissent pour le devenir de la psychanalyse et cela a des conséquences sur la pratique de ladite psychanalyse. La question devient presque humoristique pour la « prise » dans l’analyse.

Comment s’en sortir avec un langage ambiant psychotique, pour passer… aux entretiens préliminaires : il nous faut inventer à chaque fois un « discours probatoire » avant même de pouvoir convoquer les paramètres des discours. Après l’authentique question est d’une grande clarté – mais latente – : comment faire naître le discours analytique (ou d’analyste), comment le faire perdurer ; et comment tenter de le transmettre ? La partie est rude, aujourd’hui ! Et là, il faut trouver les moyens de poursuivre ce que Lacan et Freud nous ont légué… mais pas que…

J’ai fait le choix surtout de travailler la dialectique clinique du Sinthome au Symptôme. Et aussi le devenir des pulsions freudiennes en fins de cure.

Cette recherche, de toute évidence, attire des collègues que je n’avais pas prévus, au premier plan. Dont acte !

La psychanalyse ne survivra que si la praxis (théorie et pratique, voir Charlotte Herfray[2]), et la théorie se réinventent. Gare au Xièmes boucles !

Et j’apprends, à ma grande surprise, que la transmission de la psychanalyse ne prend pas toujours les chemins escomptés.

 

 

  1. J. Lacan (1932), De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, Seuil, 1975. ?
  2. C. Herfray (1988), La vieillesse en analyse, Toulouse, Arcanes-érès, (2007) 2015. ?