Les deux « échos des séminaires » de ce mois concernent le séminaire de Jean-Richard Freymann du 14 mars 2023, et peuvent être lus en articulation : Claude Ottmann nous propose le texte de son intervention dans le séminaire, et Cyrielle Weisgerber tisse quelques questions, à l’intersection des réflexions amenées par les deux orateurs.

 

La précision de la présentation de Claude Ottmann, et la pertinence des élaborations de Jean-Richard Freymann dans son séminaire, me donnent la possibilité – la liberté ! – d’y aller à grands traits. Alors j’y vais !

À partir de l’exposé de Claude Ottmann :

Les apports de Lacan autour du nœud borroméen nous permettent de penser le point central d’un psychisme comme une espèce de nœud, une forme de nouage, que l’on peut nommer de différentes manières. « Nouage du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire » est une formule parlante ; une articulation de la part de réel (le chaos du monde, le chaos des autres et le chaos du corps, autrement dit les pulsions), et de la part de symbolique et d’imaginaire intriqués dans la parole et la pensée. Aucune expérience humaine, dès lors que l’humain parle, ne fait l’économie d’une de ces dimensions. Dans aucune expérience humaine, dès lors que l’humain parle, l’articulation de ces trois dimensions n’est une affaire aisée.
Alors le nœud rate, lâche, se rafistole. Au fond Lacan avance, et la clinique le confirme, qu’il y a toujours une forme de ratage, de bidouillage dans l’écriture du nœud ; au niveau de la mécanique psychique cela boîte toujours, d’une manière ou d’une autre. On pourrait proposer qu’un symptôme serait une forme de négociation de la difficulté de nouer : le noeud ne s’écrit pas dans sa forme « parfaite », mais moyennant un petit bidouillage, un scribouillage, cela fait à peu près l’affaire.
Un sinthome serait plus qu’un bidouillage : sans le « raboutage » (dit Lacan) par le sinthome, l’une des trois dimensions se délie des deux autres, voire les trois se séparent. Le sinthome s’avère nécessaire (à éviter l’autisme ou la folie au sens fort) lorsqu’il n’y a pas de possibilité de constitution d’un symptôme, nécessaire à éviter la déliaison, ou parfois à faire tenir ensemble à peu près à nouveau un psychisme qui part en morceaux (cf Joyce).

et par ailleurs…

dans son séminaire, Jean-Richard Freymann reprend l’idée que le symptôme ne préexiste pas à la cure psychanalytique, mais qu’il se constitue (comme formation de l’inconscient) dans son espace, en articulation avec la mise en place du transfert. Les difficultés présentes avant la cure, celles qui d’ailleurs amènent à une demande d’une forme d’aide, et parfois d’une analyse, sont plutôt de l’ordre d’inhibitions et d’angoisses.

Le symptôme se constitue dans le transfert : cela ouvre plusieurs pistes et questions :si le symptôme est un bidouillage-scribouillage de ce nœud, point central d’un psychisme, celui-ci est alors modifié dès le début d’une analyse, dès la mise en place du transfert ?

  • comment le psychisme tient-il sans symptôme à proprement parler, avant le début d’une cure ? Qu’est-ce qui tient lieu de scribouillage, ou de raboutage ? Deux possibilités (au moins ?) : nouage en trèfle, la personnalité comme équivalente à la paranoïa (cf l’exposé de Claude Ottmann), ou rafistolage par un sinthome qui peut prendre la forme d’un certain conformisme mimétique, une prise dans le discours ambiant (une espèce de prothèse de Nom-du-Père qui mimerait les mécanismes névrotiques, mais sans les permettre tout à fait par défaut de tiers symbolique, d’inscription de la perte…). Ce ne sont que des débuts de réflexion, il y aurait à poursuivre…
  • le nouage se constitue dans le transfert, dans l’adresse à un autre : cela vient nous rappeler que la constitution d’un psychisme se construit dans le lien à l’autre (les figures parentales dans l’enfance…). Un psychisme singulier comme nouage singulier relève du sujet, mais du sujet pris dans ses liens aux autres. Pas de subjectivité désirante sans lien à d’autres, voire pas de subjectivité désirante sans transfert, voire pas de subjectivité désirante sans transfert à un Autre qui a suffisamment cheminé pour supporter son propre manque (un Autre barré, dirait Lacan) ?
  • que se passe-t-il en fin d’analyse ?.. que devient le symptôme constitué dans le transfert ? Que devient le petit scribouillage ? Si le symptôme lâche quelque peu, quid du petit scribouillage ?