Praxis

Mystère ? Comment peut-on se gaver de tout, « d’automatisme de répétition ». Nous pouvons penser à la répétition symptomatique, mais aussi à l’insistance fantasmatique, ou mieux l’insistance d’un style.
Je me suis souvent demandé si, au courant d’une psychanalyse, quand le volet douloureux du symptôme a disparu, quand le fantasme inconscient est un peu débrouillé, est-ce que l’on peut se permettre, pour l’analyste, de pointer le style de l’analysant.
Quoi donc ?
– Sa manière de nous donner la main (gare au confort),
– l’inflexion de sa voix,
– son style de mouvoir son corps,
– la répétition de ses onomatopées,
– son tic de toucher ses cheveux, etc. etc.
Et pourtant nous n’en abusons pas, alors qu’il s’agit de définir la fonction du trait unaire, peut-être de la lettre, qui se meut sur ou avec le corps. Vous me direz, c’est certainement trop intime ou intimiste pour le dévoiler. Rassurez-vous, la plupart des psychanalystes ne vont pas jusque-là.
Par ailleurs, autre remarque, depuis l’ère lacanienne avec les interventions et interprétations sur les signifiants, on fait part des interprétations de synthèse. Du genre : dans tout ce que vous dites, vous vous prenez pour « le père du père », ce qui reviendrait à intervenir sur le contenu répétitif du fantasme inconscient. Encore faudrait-il l’entendre.
3e cas de figure, rare dans les supervisions : les ruptures de style ; du genre : après une longue période de « roucoulade » de séduction, où l’on se caresse dans le sens de la douceur des propos, vous vous voyez intervenir brutalement avec votre interlocutrice et lui demander brutalement : « alors quand est-ce que l’on fait l’amour ? ».
Dans les ères générationnelles actuelles, nous vous déconseillons de faire de l’humour à la Portnoy[1]. De toute manière, on préfère les ruptures plutôt que les ruptures de style…
De plus, on connaît les effets secondaires des périodes « soixantes-huitardes »… du style, comme disait Lacan : « Vous cherchez un Maître, vous l’aurez. »

Rassurez-vous, nous avons changé d’époque, « l’ère poutinienne » n’est pas un discours du Maître, c’est un langage persécutif et de barbarie. On remplit la case du Maître par la déshumanisation et l’arbitraire.

 

Plus de Maître !?

Je maintiens le pari de reprendre les différentes articulations dans les théories analytiques et de les confronter aux langages actuels.
À un moment où le climat de guerre est bien présent, avec le sacrifice plus ou moins programmé de toute une génération de jeunes.
Et au niveau individuel, les nouvelles générations préfèrent reprocher à leurs aînés leurs insuffisances et leurs manquements plutôt que de travailler leurs dettes sous les registres réels, symboliques ou imaginaires.
Les Miracles d’internet et les capacités offertes, fournissent beaucoup de superficialité, quels que soient les domaines.
En me référant à Philip Roth, et à James Joyce[2], j’espère repenser les théorisations psychanalytiques en poussant un petit peu vers « le temps pour comprendre ».
Comme le savent mes collaborateurs, je pense que la dialectique Maître-Élève en a pris un coup structural dans la particularité et dans le collectif.

 

 

  1. P. Roth (1969), Portnoy et son complexe, Paris, Gallimard, 1973. ?
  2. J. Joyce (1916), Portrait de l’artiste en jeune homme, Paris, Gallimard, 2022. ?