EDITORIAL
Anne-Marie Pinçon

« Et là, dans cette nuit qu’aucun rayon n’étoile,
l’âme, en un repli sombre où tout semble finir,
sent quelque chose encor palpiter sous un voile…
c’est toi qui dors dans l’ombre, ô sacré souvenir ! »
Victor Hugo,Tristesse d’Olympio

Dans une intervention orale intitulée « Voix, chant et (A)utre », et comme en point d’orgue face à
l’impensable réel, Cathie Neunreuther donne à entendre, en analyste traversée par la singularité de son parcours musical, ce qui spécifie la voix dans sa dimension d’altérité.
Cathie nous a quittés le 17 février 2010. Nous dédions ce numéro d’Analuein à sa mémoire.

Autre voix : celle de Jacques Lacan dans une conférence donnée à la Faculté de médecine de
Strasbourg le 6 octobre 1967
1. Il ne nous échappe pas qu’elle fût prononcée dans ce lieu d’enseignement universitaire quelques jours seulement avant l’introduction à l’E.F.P. de la « Proposition sur le psychanalyste de l’Ecole », ce qui lui donne une tonalité particulièrement aiguë. Dans le concert des enchères médiatiques visant Freud et la psychanalyse, le contexte juridicopolitique de normalisation des pratiques « psychothérapiques », la poussée des neurosciences et des logiques cognitivo-comportementalistes, s’accentue le brouillage des registres et des discours ; et cette conférence résonne de façon troublante.
La voix discordante de Lacan martèle son propos au fil d’une énonciation qui vise à « faire valoir» Freud en tant que nom : le nom de la rupture. Cette rupture consiste en une subversion opérée en marge de la conception classique de progrès de la pensée – conception de la pensée transparente à elle-même, au principe du discours de la science – par l’introduction, dans le champ humain, du fait que tout être humain baigne en naissant dans quelque chose appelé : la pensée…

Analuein° 14 – mai 2010